Texte 5 : « Spleen (4) »

Ce poème est le quatrième des quatre poèmes portant le nom de Spleen. Il a donc une place fondamentale au coeur de la section qui présente le poète tiraillé entre Idéal et Spleen. Le poème qui précède Spleen (4) développe le thème de l'Ennui au sens philosophique. Le poète se présente comme le roi d'un pays pluvieux que rien ne peut venir divertir. La première strophe de Spleen 4 reprend le thème de l'ennui qui apparaît donc comme une composante essentielle du spleen. Ce poème est composé de cinq quatrains à rimes croisées. Les quatre premiers quatrains forment une seule et même phrase avec une anaphore de « quand » et le dernier quatrain est une phrase indépendante séparée par un tiret marquant une rupture énonciative.
Comment ce poème traduit-il, par son écriture l'état spleenétique et en particulier l'ennui qui en résulte ?
Nous verrons, dans un premier temps, que le poème présente un décor marqué par la dégradation et la décomposition du réel, puis nous nous attacherons à dégager les images et les caractéristiques du spleen dans l'écriture.

I. Images de dégradation et de décomposition du réel.

1. Un univers morne et triste, rongé par l'ennui.

- Des sensations d'étouffement et d'oppression: vl « ciel bas et lourd », « couvercle », verbe « peser », v 8 « plafond pourri » ...
- Atmosphère sombre au vers 4 : antithèse « jour »/ « nuit» avec l'idée que les jours sont plus sombres que les nuits dans l' oxymore « j our noir». L'adj ectif « triste» vient confirmer cette impression.
- Dernier quatrain donne des images de mort: « corbillards », « drapeau noir» ...
- Un univers marqué par l'ennui: V 2 : « en proie aux longs ennuis », l'esprit est victime de
l'ennui. Cet ennui est à relier à l'Angoisse allégorisée au vers 19.

2. Un univers en dégradation et en décomposition.

- V 8 : adjectifs « pourris» : la pourriture est liée à l'humidité et traduit une dégradation des choses et des êtres.
- Omniprésence de l'eau, toujours associée à des connotations très négatives: v 4, toujours le même emploi du verbe « verser », ou encore comparaison de la pluie qui tombe avec les barreaux d'une prison. La pluie enferme donc ici l'homme. L'eau est très négative: « cachot humide» ... On peut voir les deux mouvements : vertical de la pluie qui tombe mais aussi horizontal dans l'expression « étalant ses immenses traînées» : l'eau en vient à se répandre partout.
- La musique est elle aussi dissonante: omniprésence des gémissements « gémissant »,
« geindre » ... Évocation des cloches que l'on retrouve dans plusieurs poèmes du spleen. Mais en même temps on a au vers 1 7 l'expression « sans tambour ni musique» qui montre que même la musique se tait et fait place à un silence encore plus cynique.

Nous avons donc pu voir que le décor de ce poème se caractérise par des images de dégradation et de décomposition qui viennent frapper une réalité rongée par l'ennui. Celles-ci sont complétées par d'autres thématiques proprement spleenétiques.

II. Des images et une écriture spleenétique.

1. Les motifs du spleen.

- L'oppression est celle du poète qui se sent prisonnier de l'ennui et du spleen : métaphore filée de la prison, du cachot avec l'eau qui est associée aux barreaux.
- L'Espérance n'est plus une colombe mais une chauve souris diminuée, qui a perdu son sens de l'orientation, ce qui peut être aussi une marque de spleen.
- La défaite du poète face au spleen est mise en abime dans un combat allégorique qui oppose l'Espoir et l'Angoisse. Image du « crâne incliné» avec le possessif'« mon» et l'adjectif
« vaincu» montrent très bien cette défaite. L'omniprésence du gémissement souligne la douleur liée à cette défaite.
- L'âme du poète est aussi hantée par des images de mort: « corbillards » ... qui font penser à un deuil intérieur du poète. L'évocation des « esprits errants et sans patrie» donnent une tonalité fantastique aux visions du poète.

2. État d'esprit et écriture du spleen

- Implication croissante du poète dans le texte: « l'esprit» puis « nous» et enfin « mon». Il Y a donc une intériorisation progressive de la thématique du spleen qui envahit de plus en plus le poète lui-même.
- Le tiret souligne l'étape finale de cette progression.
- Ironie et distance dans l'écriture qui montre que le spleen envahit même la création poétique
elle-même: jeu avec des clichés de langage: chauves souris qui se cognent au plafond et juste après évocation des araignées, ne peut manquer d'évoquer l'expression « avoir une araignée au plafond. De même expression « sans tambours ni musique» associée à l'image de l'enterrement rappelle la mention « sans fleurs ni couronnes» que l'on utilise dans de telles occasions.

Conclure. Ouvrir sur Spleen (1) en montrant la reprise des mêmes thématiques.