Texte 4 : « Spleen (1) »

Ce poème est le premier d'une ensemble de quatre poèmes qui portent le même titre de Spleen. Ces poèmes sont important car ils sont à mettre en relation avec le titre de la section Spleen et Idéal. Il n'y a pas d'article devant le mot spleen ce qui donne l'impression que l'on va définir le terme. On peut souligner que ces poèmes sont situés vers la fin de la section et ils sont suivis d'autres poèmes a connotation sombre. On peut donc noter que la section s'achève dans un assombrissement pessimiste d'un poète en proie au spleen. Le poème qui précède Spleen s'intitule « La Cloche fêlée ». Ce poème montre déjà la thématique de la mélancolie du poète et la mort. On voit bien que le spleen attaque les facultés créatrices du poète. Spleen (1) est un sonnet en Alexandrins aux rimes croisées. On peut noter une unité syntaxique des quatrains (une phrase par quatrain). Au contraire, les deux tercets sont regroupés avec un enjambement et ne forment qu'une seule phrase ce qui accélère le rythme.
Comment ce poème présente-t-il, par son écriture aussi bien que par sa thématique, une définition du Spleen baudelairien ?
Nous verrons, dans un premier temps, que le poème présente un décor marqué par la dégradation et la décomposition du réel, puis nous nous attacherons à dégager les images et les caractéristiques du spleen dans l'écriture.

I. Images de dégradation et de décomposition du réel.

1. Un univers morne et triste.

- Adjectifs qui connotent une atmosphère très sombre: « ténébreux» rime avec « brumeux », les contours sont diffus, se diluent et traduisent un monde sans couleurs.
- Un cadre sinistre : « sinistrement» au dernier vers illustre cette caractéristique du décor. On le voit également dans la rime « ville entière» et « cimetière» ou encore dans l'adjectif « voisins» qui souligne que la mort rôde. L'expression « sur le carreau» renforce cette impression ( dureté,
froideur).

2. Dégradation des choses et des êtres.

- Adjectifs « maigre» et « galeux» pour désigner le chat: décrépitude, fragilité ...
- Âme du poète comparée à un « fantôme frileux », renforcé par « triste voix» : fragilité. Personnification qui évoque l'expression « errer comme une âme en peine» : désœuvrement, poète qui a perdu son but.
- Tout le décor est contaminé par cet état d'esprit: le bourdon rend un son plaintif, la bûche brûle mal, la pendule est personnifiée par « enrhumée» ... On a donc une idée de maladie de déformation des sens: tout le réel rend un son dissonant. Cette dissonance s'oppose à l'importance de la musique dans la poésie en général et en particulier dans les Fleurs du Mal. - synesthésie au vers Il : même les parfums sont victimes de la même dégradation.

Nous avons donc pu voir que le décor de ce poème se caractérise par des images de dégradation et de décomposition qui viennent frapper le réel. Celles-ci sont complétées par d'autres thématiques proprement spleenétiques.

II. Des images et une écriture spleenétique.

1. Les motifs du spleen.

- L'eau contamine tout le poème en un véritable réseau lexical. Choix de « Pluviôse» au lieu de janvier et diérèse sur ce terme permettent de faire entendre le mot « pluie» dans le poème. Également utilisation du syntagme verbal « verse à grands flots », ou encore référence à l'hydropisie et à la bûche « enrhumée» : le liquide est partout et il a toujours une influence très négative.
- Du froid à la mort: l'univers est décoloré, froid. Cela permet de faire émerger l'image de la mort. Vers 3 : périphrase qui désigne les morts, mention de l'urne funéraire, « mortalité» au vers 4 ... On peut donc interpréter « sur le carreau» comme une allusion à la mort, en corrélation avec la comparaison entre « âme du poète» et « fantôme frileux» ... On a donc en permanence l'association entre la mort et le froid.
- Image de la mort aussi associée à la fatalité. On a un champ lexical de la fatalité: « héritage fatal », « sinistrement », « amours défunts » ... Le jeu de cartes peut aussi être associé au destin et au hasard ... Enfin la personnification de « pluviôse» par l'adjectif« irrité» fait penser à la colère divine dans la mythologie.

2. État d'esprit et écriture du spleen

- La mise en abime du poète au sein du texte montre une évidente dévalorisation et un certain pessimisme
- Jeu avec des clichés de langage montre que l'écriture elle-même est contaminée par le spleen et se fait ironique. On peut le voir avec le vers « le bourdon se lamente» qui fait penser à l'expression « avoir le bourdon» ou encore l'allusion à « chat de gouttière» ou à des expressions toute faite comme « être sur le carreau » ou « errer comme une âme en peine. »

Conclure. Ouvrir sur Spleen (4) en montrant la reprise des mêmes thématiques.