Texte 1 : « L'Albatros »

[Présenter Baudelaire ; Les Fleurs du Mal ; « Spleen et Idéal »]

L'albatros est un poème composé de quatre quatrains d'alexandrins en rimes croisées. C'est le deuxième poème de la section. Il est intéressant de noter qu'il est placé après « Bénédiction ». Il reprend des thématiques commune à ce poème. En effet, ces deux poèmes nous donnent une représentation en image de la condition du poète. On peut voir dans les deux cas une dualité dans cette image puisqu'on a, à la fois l'idée du poète incompris et en souffrance sur Terre et en même temps, une valorisation et une élévation finale du poète.
On pourra se demander quelle image de la poésie est donnée par l'assimilation entre le poète et l'albatros.
Nous verrons, dans un premier temps, que ce poème nous présente un portrait très contrasté de l'albatros puis nous nous pencherons sur le glissement de l'oiseau au Poète.

I. Un portrait très contrasté de l'Albatros.

1. Des effets de structure au service de l'opposition

Construction du poème avec 1 er quatrain qui présente l'Albatros plutôt de façon valorisée, dans les airs puis deux quatrains suivants qui montrent sa déchéance une fois qu'il est sur le pont du bateau. Rappel que la troisième strophe a été rajoutée après pour faire encore mieux ressortir ce contraste.
Le 4ème quatrain reprend en condensé cette opposition: 2 vers positifs et 2vers négatifs.
Multiplication des figures d'opposition: alexandrins coupés à l'hémistiche avec souvent des hémistiches qui s'opposent. Par exemple « rois de l'azur» et « maladroits et honteux» avec la rime interne pour renforcer l'opposition. Reprendre les autres exemples. Parler des antithèses et des oxymores …

2. Théâtralité de ce portrait.

Il s'agit d'un portrait en action. La structure du poète est dynamique, il commence comme : un récit anecdotique et multiplie les verbes d'action. L'albatros est souvent objet et non sujet, ce qui souligne sa passivité.
La métaphore filée du théâtre est présente de façon implicite avec la métonymie des « planches» qui évoque le pont du bateau mais aussi la scène du théâtre ou encore l'adjectif « comique» qui est relié à comédie.
Les périphrases pour désigner l'albatros sont très valorisantes ce qui donne un ton emphatique et un peu théâtral: « rois de l'azur », « prince des nuées » ...

Ce poème apparaît donc comme un portrait rigoureusement construit et très théâtralisé de l'albatros qui est dépeint de façon contrastée et très ambiguë. Nous pouvons voir que les mêmes caractéristiques sont transférées ensuite à la figure du Poète par le biais de la comparaison.

II. De l'albatros au poète.

1. Une élucidation progressive du sens.

Quelques indices· de la possible assimilation entre le poète et l'oiseau sont présents dans les premiers quatrains: adjectif « indolent» qui pourrait aussi bien qualifier l'attitude du poète dandy, ou encore le « brûle-gueule » placé dans le bec de l'oiseau. Le brûle-gueule est une petite pipe et la pipe est un des attributs du poète dans les Fleurs du Mal (voir poème « la pipe »).
Les fréquentes personnifications de l'oiseau facilitent et préparent aussi cette assimilation. Relever et analyser les personnifications.
Le premier vers du dernier quatrain donne explicitement la comparaison avec le comparatif « est semblable ». C'est alors le Poète qui devient sujet à la place de l'Albatros.
Le Poète est allégorisé comme le montre la majuscule, et l'Albatros aussi. De plus, le titre énigmatique ne prend tout son sens qu'à la fin du poème. Il faut donc déchiffrer le sens, comme le suppose le travail du poète qui est un « déchiffreur ».

2. Un Poète tiraillé entre Spleen et Idéal

Les nombreuses antithèses qui qualifient l'oiseau opposent surtout l'oiseau dans le ciel et l'oiseau sur terre. On peut donc les ré interpréter à la lumière de la comparaison entre l'oiseau et le poète et voir dans le sol une métaphore de la réalité source de Spleen et dans le ciel une métaphore de l'Idéal.
L'adjectif'« exilé» montre bien que le Poète n'est pas à l'aise dans la réalité et qu'il aspire à rejoindre la sphère de l'Idéal dans laquelle il se sent mieux.
Cette idée que le poète n'est bien que dans l'Idéal s'associe à une valorisation: le Poète est supérieur aux autres hommes comme l'oiseau dans le ciel qui « se rit de l'archer». De plus l'expression « ailes de géant» montre bien que le Poète est trop grand dans un monde trop petit, ce qui explique qu'il soit méprisé et incompris par le commun des hommes « huées » ... Il s'agit d'une idée force du romantisme: le poète a un cœur trop grand dans un monde trop petit, d'où sa mélancolie et son mal être .

Conclure. Ouverture possible sur Bénédiction.