Texte 2 : « Chapitre trois de L'Ingénu »

L'extrait qui nous est proposé s'inscrit dans le mouvement des Lumières. Ce courant philosophique nait au XVIIIème siècle et met en place un certain nombre de stratégies pour faire passer ses idées novatrices sous des formes détournées afin d'échapper à la Censure très présente dans un régime absolu. Par exemple, l'Encyclopédie, œuvre majeur du XVIIIème siècle, parvient à faire la somme de toutes les connaissance tout en faisant passer de façon habille un certain nombre de critiques.
L'Ingénu a été publié en 1767 par Voltaire. Il s'agit d'une de ses dernières œuvres. C'est l'histoire d'un Huron qui arrive en France et voit d'un regard neuf et extérieur les injustices et absurdités du monde Européen. Voltaire est l'inventeur du genre du conte philosophique, un genre qui utilise la fiction pour faire passer des idées. Il a donc une double dimension : satirique et philosophique.
Comment le plaisir du conte et de la fiction parviennent-ils à se mêler dans ce texte avec une visée philosophique et satirique (critique ironique) en nous offrant une critique de la société française de l'époque de Voltaire ?
Après avoir évoqué les éléments qui font de ce texte un conte plaisant à lire, nous nous attacherons à sa dimension satirique et philosophique.

I. Le Plaisir du conte

1. La vivacité du récit

Beaucoup d'actions, de péripéties et de rebondissements → circoncision, confession, altercation avec le prêtre, disparition de l'Ingénu …
Les action sont exprimée par des verbes au passé simple et parfois au présent de narration ce qui traduit une accélération dans le récit : scène où l'Ingénu veut que le prête se confesse.
Dialogues au discours direct ce qui rend le texte vivant.
Impulsivité de l'Ingénu renforce la vivacité du texte.

2. Les procédés comiques

Comique de situation : la confession (ligne 69-70)
Comique de geste : Agression du prêtre par l'Ingénu → Allusion au ridicule d'une pièce de théâtre.
Comique de caractère : Les personnages du conte étant surtout des personnages types, dont la psychologie est réduite à un trait de caractère, on a par exemple l'ignorance du clergé, la naïveté comique de l'Ingénu …
Comique de langage chez le narrateur mais aussi chez l'Ingénu. Chez le narrateur, on le voit lorsqu'il dit que l'Ingénu « dévore le Nouveau Testament avec beaucoup de plaisir » (lignes 16-17) ou chez l'Ingénu « Marauds » pour désigner Caïphe et Pilate (ligne 22).

Voltaire manipule donc l'art du récit avec habileté, concillant dans son texte dynamisme et dimension comique ce qui contribue à rendre la lecture de ce texte plaisante et vivante. Pourtant, cette apparente légèreté recouvre des préoccupations plus sérieuses sur lesquelles nous allons nous attarder maintenant.

II. Dimension philosophique et satirique du texte

1. Une critique de la religion

L'Ingénu prend le Nouveau Testament comme un roman : « Il le dévora avec beaucoup de plaisir » (ligne 16-17).
Le Clergé répond à l'Ingénu que « La circoncision n'est plus de mode » (ligne 50) ce qui discrédite un peu la religion qui n'est pas question de phénomènes de mode.
L'Ingénu interprète littéralement les textes d'où son interprétation erronée de la phrase « Confessez-vous les uns aux autres » (lignes 63-64) ce qui sous-entend qu'à force d'interpréter les textes, on les détourne de leur sens.
Enfin, au niveau de la satire du clergé, on voit leur incompétence puisqu'ils contournent les difficultés et se rejettent les question embarrassantes.

2. Une critique de la société Européenne en général

Un côté superficiel et vaniteux de la société (Mlle de St Yves → Ligne 84-86).
Ils sont pénalisés par une éducation pleine de préjugés et de sottises (ligne 12-14).
Ils ne reconnaissent pas leurs erreurs et leur torts et n'écoutent pas l'opinion des autres (lignes 53-56).

Pour conclure, dans ce texte, la fiction du regard étranger permet de faire rejaillir sous nos yeux les vérités et les critique que la routine empêche de voir. Ce détour par le conte est non seulement divertissant pour le lecteur mais il permet aussi de formuler des attaques plus marquantes tout en se protégeant de la Censure et en répondant à l'objectif de vulgarisation du savoir.
On peut rapprocher ce texte des Lettres Persanes de Montesquieu qui utilise le même détour d'un regard neuf et étranger pour faire passer des idées.